ANNEXE 6 : OUVRIERS ET ETUDIANTS, OU DE LA CONFUSION STRATEGIQUE.

Associer les ouvriers aux étudiants dans une action pseudo révolutionnaire ne fait que nuire aussi bien aux uns qu’aux autres. L’action est pseudo révolutionnaire parce qu’aucune idée ne la sous tend d’une manière synthétique. Chaque ensemble (étudiants fonctionnaires ouvriers) ne se lance dans la révolte que dans la mesure où il aperçoit un objectif qui lui est spécifique. L’action commune sert des intérêts différents selon l’ensemble de ses acteurs.
Certes, il existe une idée qui pourrait synthétiser tous les malaises, les unifier dans un concept dont les possibilités dynamiques seraient immenses. Cette idée est celle de consommation. Mais qui pourra prétendre qu’une telle idée est mûre pour déclencher une réelle révolution occidentale. Dans la conscience même des théoriciens les plus avant gardistes, une telle idée n’est pensée qu’en fonction d’une logique dont un faux sens a fait une idéologie.

Ainsi, bien que le malaise soit général, sa généralisation ne peut pas être exploitée à l’intérieur d’une stratégie efficace ; elle ne peut que confondre ce qui devrait être clairement distingué, à savoir les causes attribuées par chaque ensemble spécifique, à son propre mécontentement. On ne peut arbitrairement subsumer les causes particulières, à une cause plus fondamentale qui pourrait être l’aliénation due à certains "rapports de consommation", qu’il faut inventer avant de les utiliser dans une stratégie.

La lutte étudiante doit rester étudiante pour des raisons stratégiques profondes et subtiles. S’associer avec les ouvriers ou les fonctionnaires (professeurs compris) équivaut à se noyer dans une contestation dont la stérilité est assurée par l’obscurité et l’éloignement de ce qu’elle conteste (société de consommation). La révolte ne deviendra révolution que si elle se donne des limites rendant possible une véritable transgression de la loi. Une lutte ouverte contre un pouvoir dont on ne peut abstraire le caractère accidentel et particulier, n’aboutirait, au mieux ou au pire, qu’au remplacement pur et simple de ce pouvoir par un autre tout aussi particulier. Ce n’est qu’après une prise de conscience, excluant tout particularisme au niveau des ensembles aliénés, que l’on pourra définir le caractère abstrait du Pouvoir aliénant et donc que l’on pourra le détruire réellement.

Ce n’est qu’après avoir fondé une utopie plausible que l’on fera une véritable révolution.