ANNEXE 5 : CONSOMMATION DE LA SCIENCE OU CONSOMMATION DU PROFESSEUR.

ANNEXE 5 : CONSOMMATION DE LA SCIENCE OU CONSOMMATION DU PROFESSEUR.

L’Université actuelle, placée dans un contexte socio économique qui l’oblige à adopter une attitude consommatoire, s’est donnée comme principale marchandise à consommer, le savoir lui même. Le professeur y apparaît comme l’intermédiaire nécessaire : le marchand,la préparation à l’examen, comme la grande fête des marchandises conceptuelles au même titre que la préparation de Noël, grande fête des marchandises. Dans cette même perspective, le cours ex cathedra devient le goutte àgoutte publicitaire qui doit inciter tous les consommateurs à consommer frénétiquement pour le jour venu ce qui s’y trouvait promis.

Mais le savoir n’est consommable qu’au prix d’une perte de toutes les qualités qui pourraient en faire un savoir réel, lest à dire toujours virtuel d’un savoir plus étendu et plus approfondi. Le savoir n’est consommable qu’au prix de son dépérissement et cela permet de comprendre le caractère "vomitif" des copies d’examen ; honteuses autant pour ceux qui les produisent que pour ceux qui regardent.

Un savoir est une CONSTRUCTION dont chaque étape n:est réellement concevable que si elle contient virtuellement l’étape ultérieure. Cette construction ne se fait pas de l’intérieur (génération spontanée), mais néanmoins, en dehors de celui qui la pense. Et,comme c’est le palais qui produit le véritable roi, c’est le savoir qui produit celui qui sait et non l’inverse comme pourrait le laisser croire l’attitude des "professeurs" vis à vis du savoir et de leurs "étudiants". Le professeur, dont le statut de fonctionnaire exige qu’il soit productif, a l’illusion de posséder ce qui le possède, illusion issue de sa pseudo position d’intermédiaire marchand. Sa position sociale le contraint à produire ce qui le produit et contraint l’étudiant à consommer ce qui le consume.

Le rapport d’autorité sépare, met à distance les uns des autres, ceux qui le reconnaissent pour leur loi. La ruse de la tradition a été de présenter cette distance comme condition nécessaire à la transmission du savoir, alors que même de ce point de vue restrictif, elle apparaît comme son obstacle fondamental ; nous dénonçons ici la "barrière" ou "barricade" derrière laquelle se retranche la fonction professorale et dont elle a besoin pour exercer à la fois la possibilité( la puissance envisagée plus haut ; c’est de cette "barrière" que prend prétexte le "phantasme d’omnipotence" pour se constituer, entérinant le rapport d’autorité au plus secret des consciences (et aussi bien de celles qui en profitent que des autres qui en pâtissent) ; une fois le dit rapport extirpé des consciences, toute revendication d’autorité, ne trouvant plus dans les structures refondues de quoi se justifier c’est à dire de quoi s’embrayer tournera à vide et sera vu comme son délire mégalomaniaque ou témoignage d’innocence.

Ce qui ébranle définitivement la barrière, c’est la reconnaissance, dans le savoir lui même, de sa première victime : tant au point de vue de la transmission que de l’expansion, la barrière ralentit l’élan du savoir autant qu’elle accélère sa sclérose, et à l’état d’équilibre idéal, l’université se définit comme "conservatoire de textes morts".

Au lieu de cette "distribution" schizomorphe du savoir, qui privilégie les forces de séparation et de dispersion (l’étanchéité des cloisons entre les divers "facultés" est dans la logique même du rapport d’autorité) : l’Université Sauvage se propose de privilégier les forces d’attraction et d’unification, retrouvant par là son authenticité étymologique (unus vertere).

Au lieu que les enseignés puissent au mieux rêver de posséder un jour autant de savoir que les enseignants (ce qui est conserver une idée du savoir comme propriété et accumulation, idée que son expansion spontanée viendra corriger progressivement), au lieu que les connaissances des uns courent après les connaissances des autres avec toujours le décalage d’un wagon de retard qui est l’espace exact du rapport d’autorité, 1’U.S. se propose comme la confluence des expériences cognitives.