1866

Janvier

M, est absent de la réunion du C.C. au cours de laquelle sont débattues les questions suivantes : appel pour porter aide aux prisonniers irlandais (fenians) ; parution du premier numéro du Journal de l’A.I.T. à Genève ; attaques de l’Echo de Verviers et statuts de la branche française à Londres ; appel pour recueillir des fonds pour l’A.Lrh. ; nouveau local du C.C. (C.C., 2 janv.)

M. informe E. des agissements de la branche française à Londres, qui est en train « d’intriguer contre l’A.I.T. » avec, comme meneurs de jeu, Le Lubez, Vésinier et Longuet : a Le vrai nerf de la controverse est la question polonaise. Ces messieurs se rattachent tous au moscovitisme de Prou-dhon-Herzen ». M. demande à E. de préparer une contre-attaque : « MM. les Russes ont trouvé leurs plus récents alliés dans la partie proudhonisée de la Jeune France ». (5 janv.)

Lors de la reprise de la discussion sur les attaques de l’Echo de Verviers et sur la branche française, M. prend la défense des correspondants parisiens et propose que Vésinier soit mis en demeure de prouver ses accusations et, en cas de refus, expulsé de l’Internationale. Sa proposition, appuyée par Jung, est adoptée. (C.C., 3 janv.)

M. informe E. de la décision du C.C. concernant Vésinier : « Le rédacteur de la Rive gauche [... ], Longuet, puis M. Crespelle - les deux membres les plus intelligents de la branche fondée par Vésinier - sont devenus membres de notre C.C. La branche s’est déclarée contre lui et pour nous ».

Dans sa lettre, M. recopie les principaux passages de l’article de Vésinier, selon lequel le C.C. aurait abandonné son « but sublime » pour dégénérer en comité de nationalités à la remorque du bonapartisme « ... Le Lubez est une nullité. Fox l’appelle justement le Père Enfantin, mais Vésinier est tout à fait l’homme des Russes. Comme écrivain, il ne vaut pas cher, comme nous le montrent sa « Vie du Nouveau César » et ses autres pamphlets contre Bonaparte. Mais il a du talent, une grande puissance rhétorique, beaucoup d’énergie, et avant tout il est dépourvu du moindre scrupule ». (15 janv.)

M. renseigne Kugelmann sur les « grands progrès » de l’A.I.T. : création de trois organes officiels (en Angleterre, en Belgique et en Suisse) et parution prochaine, en Suisse encore, du Vorbote ; influence croissante sur le mouvement des trade-unions et, par ceux-ci, sur l’action de la Reform Leaglce pour le suffrage universel. (15 janv.)

M, envoie à Liebkneclit des cartes d’adhérent et des instructions pour le recrutement de membres. Il fait état des progrès de l’A.I.T. et énumère les journaux qui en sont les organes. « J’espère que je pourrai bientôt annoncer ici la fondation d’une section u Leipzig [...] Peu importe le nombre, mais plus il y en a, mieux cela vaut ». (15 janv.)

iVI, prend Ia parole au meeting commémoratif, organisé par l’émigration polonaise et l’A.I.T. (22 janv.)

1VI, donne lecture d’une lettre de Liebknecht (à propos de la formation d’une petite section à Leipzig) et d’une lettre de De Paepe (sur la « Tribune du Peuple », organe de la section belge). En réponse à Weston qui réclame une discussion sur le programme du prochain Congrès, M, propose que les objectifs et les principes de l’Association, établis dans l’Adresse et les Statuts, soient définis avant d’entamer la discussion de l’ordre du jour du Congrès. (C.C., 23 janv.)

Février

Malade, M. n’assiste pas à la réunion du C.C. au cours de laquelle )ung annonce la publication, dans le journal de l’A.I.T., de la première traduction française de l’Adresse et des Statuts de l’A.I.T. (6 févr.). Pendant son absence « l’élément bourgeois " l’emporte dans la direction du Workman’s Advocate, dont le titre est changé en Commonwealth. Néanmoins, grâce à des « menaces écrites », M, réussit à imposer Eccarius à la direction du journal et à faire nommer un Comité de contrôle, dont il fait lui-même partie. M. insiste pour que E. donne rapidement ses articles sur la Pologne au Commonwealth (M. à E., 10 févr.). II rejette la suggestion de Liebkneclat d’utiliser le Social-Demokrat comme organe de l’A.I.T. « Ce que nous voulons, c’est justement la disparition du S.D. et de tout le lassallisme ». (Ibid.)

L’Echo de Verr ;iers publie la lettre envoyée et signée par H. Jung « au nom du C.C. » en réponse à l’article de Vésinier paru dans le même journal (les 16 et 18 déc.). La lettre réfute l’allégation de Vésinier selon laquelle « un publiciste éminent de race latine » (Mazzini) aurait été l’auteur de l’Adresse Inaugurale ; elle rappelle l’activité du C.C. et les résultats obtenus sur le plan du recrutement et de la propagande, les difficultés rencontrées en Allemagne, le rôle des délégués parisiens, l’action du C.C., « composé presque exclusivement d’ouvriers habitués à manier le marteau et la lime », etc. (20 févr. )

Mars

M. est absent des réunions du C.C. des 13, 20, 27 février et du 6 mars. Pendant cette dernière, Luigi Wolff met violemment en cause la riposte envoyée par Jung, au nom du C.C., à l’Echo de Verviers. Une résolution est votée, affirmant que le C.C. retire de la réponse publiée dans l’Echo de Yerviers les expressions vexantes pour Wolff et ses amis. A la même séance, Paul Lafargue est élu membre du C.C., sur proposition de Dupant et de Jung.
M. reçoit chez lui les secrétaires étrangers de l’A.I.T. (Jung, Longuet, Lafargue, Dupont, Bobczynski) « pour tenir un conseil de guerre » face aux agissements de Luigi Wolff et à l’attitude pro-mazzinienne de certains membres du C.C. (10 mars ; M, à E., 24 mare.)

Lors d’une réunion des actionnaires du Commonwealth, M. réussit, malgré l’opposition de Cremer, à faire maintenir Eccarius à la direction du journal (12 mars.)

Revenant aux déclarations de Wolff, faites pendant son absence, M. réfute les allégations du délégué italien concernant la paternité de l’Adresse Inaugurale et des Statuts de
l’A.I.T. Il rappelle l’attitude ambiguë, voire hostile de Mazzini envers l’Internationale et proteste contre la résolution adoptée par le C.C. pour donner satisfaction à L. Wolff. (C.C., 13 mars.)

M, à sa cousine Nannette Philips : « Pendant mon absence forcée et prolongée du Conseil de l’A.I.T., Mazzini s’est appliqué à fomenter une révolte contre mon leadership. Le leadership n’est jamais une chose agréable ni une chose que j’ambitionne. J’ai toujours devant les yeux ton père disant de [...] : « l’ânier est toujours haï des ânes ». Mazzini, qui hait franchement la pensée libre et le socialisme, guette jalousement les progrès de notre Association. J’ai fait échouer sa première tentative d’en faire son instrument et de l’affubler d’un programme et d’une déclaration de principes de son invention [...] Il a profité de mon absence pour intriguer avec quelques ouvriers anglais, susciter leur jalousie contre l’influence « allemande » et a même délégué son matamore, un certain major Wolff [...] au C.C. pour y placer ses griefs et m’attaquer plus ou moins directement. [...] Ce faisant, il agit assez sincèrement, car il abhorre mes principes qui, à ses yeux, sont entachés du « matérialisme » le plus criminel f ... ] . Tous les secrétaires étrangers étaient de mon côté [...]. Ainsi, j’ai emporté une victoire complète sur ce redoutable adversaire. Je pense que Mazzini en a maintenant assez de moi et qu’il fera bonne mine à mauvais jeu ». (18 mars.)

M., qui est .allé à Margate, n’assiste pas à plusieurs réunions du C.C., au cours desquelles les divers secrétaires rapportent et discutent sur les progrès de l’A.I.T. en Suisse et en France, la grève des taillleurs en Angleterre, la date et le programme du prochain Congrès. (20 et 27 mars, 3 avril.)

M. renseigne E. sur l’« intrigue qui s’est nouée au C.C. » le 6 mars et sur son intervention du 13 mars : « Tu vois, la chose était sérieuse [...] C’eût été un joli coup de la part de Mazzini : me laisser avancer l’Association assez loin, pour se l’approprier ensuite. Il a demandé aux Anglais d’être reconnu comme chef de la démocratie continentale, comme si c’était le rôle de MM. les Anglais de désigner nos chefs ! [...] Les choses se sont déroulées mieux qu’on ne pouvait s’y attendre. [...] En tout cas, les Anglais ont compris [...] que tous les éléments du continent tiennent à moi comme un bloc et qu’il ne s’y agit nullement d’une influence allemande. Le Lubez avait essayé de leur faire croire qu’en tant que leader de l’élément anglais du C.C., je dominais les autres éléments du continent ; MM, les Anglais ont compris maintenant que c’est au contraire eux que je tiens complètement en main, grâce à l’élément continental, dès qu’ils font des bêtises ». (24 mars)

Avril

M, informe E, des changements survenus pendant son absence à la direction du Commonwealth, dont Eccarius a été évincé : « Je savais d’avance que l’affaire me tomberait sur le dos. Plutôt que de satisfaire les ambitions plus ou moins justifiées d’Eccarius, il nous importe de vivre en bonne entente avec les Anglais et d’éviter tout ce qui ressemble à des desseins personnels ou des abus d’influence à des fins secrètes » (2 avr. )

M. à Liebknecht  : « Eccarius n’est plus du comité de rédaction du Commonwealth. Il était prévisible qu’aussitôt due le journal aurait atteint une certaine réputation, on ne permettrait plus à un étranger d’y assumer la direction nominale. Ecris-moi sur [...] l’état de notre mouvement en Allemagne o. (4 avr.)

Inquiet de la tournure que les affaires de l’A.I.T., ont prise pendant son absence prolongée du C.C., particulièrement à cause de l’attitude passive des leaders anglais, M. est persuadé de la nécessité d’ajourner le Congrès de l’A.LT. fixé au mois de mai, « Pour les Anglais, un échec du Congrès est sans la moindre importance. Mais pour nous ? Ce serait une honte devant toute l’Europe ! ! » M. envisage de se rendre en France pour obtenir le consentement des Inter-nationaux à l’ajournement (lu Congrès. (M. à E., 6 avr.)

M. assiste à la réunion du C.C. au cours de laquelle Jung et Dupont proposent que la date du Congrès soit fixée au ler lundi de juin. (10 avr.)

M, remet au trésorier du C.C. la somme de .£ 3 reçue d’Allemagne à titre de cotisations individuelles. Une discussion s’étant engagée sur la résolution adoptée au C.C. le 6 mars, M. et Dupont proposent que Longuet soit chargé de traduire cette résolution et de la transmettre à l’Eeho de Verviers. (C.C., 17 avr.)

M, à E. : « Voilà où en sont les affaires de l’Internationale. Depuis mon retour, la discipline a été, dans l’ensemble, rétablie. L’immixion de l’A.I.T. dans la grève des tailleurs [...] a été un succès et a fait sensation parmi les trade unions d’ici. Quant au Congrès de Genève, je me suis décidé à m’employer ici pour sa réussite, sans toutefois y aller moi-même. Je me décharge ainsi de toute responsabilité personnelle « ... Le Commonwealth lutte pour se maintenir financièrement, mais il a peu de chance d’y réussir. Fox fait tout pour conserver au journal un certain niveau ». (23 avr.)

Mai
Malgré l’opposition du bureau parisien, le C.C. adopte une résolution fixant la date du Congrès de l’A.I.T. en septembre. M. propose que cette décision soit rapidement communiquée aux correspondants. (C.C., 1" mai.)

Instruit par E. et Lessner de l’arrivée de tailleurs allemands à Edimbourg où la grève des ouvriers tailleurs se poursuit, M. écrit, au nom du C.C., un Avertissement qui sera publié par plusieurs journaux allemands : « C’est un point d’honneur pour les ouvriers allemands de prouver aux pays étrangers que, comme leurs frères de France, de Belgique et de Suisse, ils savent défendre l’intérêt commun de leur classe et refusent d’être les valets obéissants du capital dans la lutte contre le travail ». (4 mai.)

M, informe Liebknecht de la situation financière précaire du Commonwealth et des progrès de l’A.I.T. en France et en Italie. « La propagande à Londres a pris un nouveau départ, grâce principalement au fait que le succès des grèves des tailleurs et des ouvriers du commerce des vins était dû à notre intervention, qui a empêché l’importation d’ouvriers français, suisses et belges, projetée par les patrons. Cette démonstration de son importance immédiatement pratique a frappé l’esprit pratique des Anglais ». (4 mai.)
Sur la proposition de M. et de Fox, Bobezynski est élit secrétaire pour la Pologne, en remplacement de Emile Holtorp, absent du C.C. depuis plusieurs mois. M, intervient dans la discussion sur l’emploi des cotisations par les sections nationales de l’A.I.T. (8 mai.)

M, renseigne E, sur l’action entreprise par le C.C. en faveur des tailleurs écossais en grève. « Le Commonwealth gagne du terrain et pourrait sans doute devenir rentable au bout d’une année. Mais nous serons probablement obligés de suspendre la publication faute d’argent ». (10 mai.)
M. informe le C.C. que des journaux de Leipzig déconseillent aux tailleurs allemands de se rendre en Angleterre pour prendre la place des tailleurs grévistes.

M, presse E, de donner la suite des articles sur la Pologne parus dans le Commonwealth : « Les articles ont fait sensation. Après les avoir loués, le petit Fox a lancé, avant-hier, au C.C. une diatribe contre le passage dans lequel tu attribues les partages (de la Pologne) à la corruption de 1"aristocratie polonaise. Entre autres, il attaque particulièrement les Allemands qui auraient ruiné les Polonais par la dynastie de Saxe, etc. Je lui ai répondu brièvement [...] M. Mazzini s’est tant démené qu’il a enfin pu constituer contre nous un « Comité républicain international ». [...] Notre _Association gagne chaque jour du terrain, En Allemagne toutefois, à cause de cet âne de Liebknecht (le brave garçon !), il n’y a rien à faire ". (I7 mai,)
Malade et impécunieux, M, manque les réunions du C.C. des 22, 29 mai et du 5 juin. On y discute plus particulièrement de l’ajournement, mal vu des Parisiens, du Congrès ; de nouvelles adhésions anglaises ; du projet d’un appel de l’A.I.T. aux étudiants de toutes les sections, écrit par Lafargue.

Juin

M, fait part à E. de son point de vue sur la guerre imminente entre l’Autriche et la Prusse ; il s’en prend à la « clique proudhonienne » parmi les étudiants de Paris, opposés à la guerre et aux nationalités. « Comme polémique contre le chauvinisme, leur action est utile et explicable. Mais en tant que fidèles du proudhomisme (mes excellents amis d’ici, Lafargue et Longuet en font également partie), qui croient que toute l’Europe restera et devra rester tranquille [...] jusqu’à ce que ces MM. de France auront aboli « la misère et l’ignorance » [...], ils sont grotesques n. (7 juin.)

M, démissionne de la rédaction du Commonwealth dont la dépendance vis-à-vis des financiers anglais devient de plus en plus manifeste : « J’avais beaucoup de patience, [...] car j’espérais toujours que les ouvriers feraient eux-mêmes l’effort suffisant pour mener l’affaire de façon indépendante ». (M. à E ., 9 juin.)

Liebknecht informe M. que les sociétés ouvrières de Saxe ont joint l’A.I.T. M. communique cette nouvelle au C.C. (12 juin.)

Lors d’un long débat ouvert au C.C. sur la guerre austro-prussienne., M. fait un « exposé hautement intéressant". Le Lubez lit un projet de résolution appelant les travailleurs mobilisés « à ne pas gaspiller leur force en se massacrant les uns les autres, mais à la réserver pour défendre leurs propres droits contre leurs propres ennemis, les oppresseurs de la classe ouvrière. o (19 juin.)

M, rend compte à E. du point de vue défendu par les représentants de la « Jeune France ». Pour eux, non-ouvriers, les nations sont des « préjugés surannés " : « Stirnérianisme proudhonisé. Tout doit se fragmenter en petits « groupes" ou « communes", qui forment à leur tour une « association o, mais nullement un Etat. Cette « individualisation » de l’humanité et le « mutualisme" qui lui correspond se réaliseront, tandis que l’histoire s’arrêtera dans tous les autres pays, et que le monde attendra jusqu’à ce que les Français soient mûrs pour faire une révolution sociale. C’est alors qu’ils nous présenteront l’expérience et, subjugué par la force de l’exemple, le restant du monde fera la même chose. C’est exactement ce que Fourier attendait de son phalanstère modèle. [...] Les Anglais ont bien ri lorsque j’ai commencé mon discours en disant que notre ami Lafargue, etc. qui a aboli les nationalités, nous parle en français, c’est-à-dire dans une langue que les neuf-dixièmes de l’auditoire ne comprennent guère. Je fis aussi remarquer qu’inconsciemment il semblait entendre par négation des nationalités leur absorption par la nation modèle, la France. Au demeurant, il n’est pas facile, bien sûr, d’exposer un point de vue, car d’une part il faut s’opposer à l’italomanie inepte des Anglais, d’autre part, et dans la même mesure, à la fausse polémique des Français ; il faut surtout empêcher toute démonstration qui pourrait entraîner notre Association dans une direction unilatérale ». (20 juin.)

M. présente au C.C. le Belge Léon Fontaine, journaliste démocrate. Il annonce que E.E. Fribourg doit publier dans le Courrier Français (Paris) des rapports hebdomadaires sur les travaux préparatoires du C.C. en vue du Congrès de Genève. Le C.C reprend la discussion sur la guerre allemande. Plusieurs résolutions sont proposées tendant à dénoncer la guerre comme une guerre de conquête entre « tyrans », comme une entreprise contraire aux intérêts des peuples et des travailleurs, comme la preuve de la soif de conquête de Bismarck, seul responsable de la guerre. (Le procès-verbal de cette séance ne mentionne aucune intervention de M. dans ce débat, qui eut lieu les 26 juin et 3 juillet).

A propos des manifestations ouvrières de Londres : « [...] comparées à tout ce que nous avons vu en Angleterre depuis 1849, elles sont formidables ; elles sont l’œuvre exclusive de l’Internationale. M. Lucraft, par exemple, le principal personnage à Trafalgar Square, est membre de notre Conseil. On voit quelle différence il y a quand on agit dans les coulisses et on s’efface en public, et quand, à la manière des démocrates, on crâne publiquement et on ne fait rien ! » Sur la guerre : « A part une grande défaite des Prussiens qui aurait peut-être entraîné une révolution (mais ces Berlinois ! ) il ne pouvait rien arriver de mieux que leur victoire [...]. Le succès des Prussiens expose le régime de Bonaparte à un danger de mort [...], s’il ne réussit pas à dicter ses conditions de paix [...]. Mais que diras-tu de notre petit Fox qui, avant hier, a fait irruption dans notre maison en criant à perdre haleine : « Bonaparte a sauvé l’Allemagne ! " C’est l’opinion de Beesly, Harrison, etc. et de toute la clique comtiste. » (M, à E., 7 juil.)

Sur l’initiative de M., un débat s’engage sur le Commonwealth qui s’abstient de publier les comptes rendus des séances du C.C. (10 juil.)

Poursuite du débat sur la guerre allemande, avec la participation de M. Après amendement, la résolution préparée par Bobezynski et Carter à la séance du 26 juin est finalement adoptée à l’unanimité : « Le C.C. de l’A.I.T. considère la guerre actuelle sur le continent comme un conflit entre gouvernements et recommande aux travailleurs de rester neutres, de s’évertuer à gagner en force par l’unité et d’employer cette force pour réaliser leur émancipation sociale et politique. o (17 juil.)

Sur la proposition de Cremer et de M., le C.C. décide de tendre tous ses efforts pour que des organisations italiennes soient représentées au prochain Congrès. M. appuie en outre une proposition de Cremer tendant à recommander au Congrès de maintenir le siège du C.C. à Londres. Les deux résolutions sont adoptées à l’unanimité. (24 juil.)

M. soumet au C.C. le rapport du Comité permanent sur l’ordre du jour du Congrès de Genève. Le programme sera conforme au texte français (public dans le Courrier Français et la Rive Gauche), à une modification près : la dernière question de l’ordre du jour (création de sociétés de secours mutuel et appui moral et matériel aux orphelins de membres de l’A.I.T.) sera jointe à la première (moyens d’action de l’A.I.T.). Recommandation sera faite au Congrès d’entreprendre une enquête sur la condition des classes ouvrières. Le plan de cette enquête (rédigé par M.) et les autres propositions du Comité permanent sont adoptés à l’unanimité. (3I juil.)

Août

M. soumet au C.C. une proposition du Comité permanent tendant à rémunérer le secrétaire général (40 sh. par semaine), qui serait nommé par le Congrès de Genève. (14 août.)

M. rédige des « Instructions », destinées aux délégués du C.C. au Congrès de Genève et se rapportant à des points de l’ordre du jour de ce dernier : l’organisation de l’A.I.T., la coopération internationale dans la lutte du travail contre le capital (mise en eeuvre d’une enquête sur le travail), la réduction des heures de travail, le travail des femmes et des enfants, les coopératives, les syndicats, les impôts, la question

faut s’opposer à l’italomanie inepte des Anglais, d’autre part, et dans la même mesure, à la fausse polémique des Français ; il faut surtout empêcher toute démonstration qui pourrait entraîner notre Association dans une direction unilatérale ». (20 juin.)

M. présente au C.C. le Belge Léon Fontaine, journaliste démocrate. Il annonce que E.E. Fribourg doit publier dans le Courrier Français (Paris) des rapports hebdomadaires sur les travaux préparatoires du C.C. en vue du Congrès de Genève. Le C.C reprend la discussion sur la guerre allemande. Plusieurs résolutions sont proposées tendant à dénoncer la guerre comme une guerre de conquête entre « tyrans », comme une entreprise contraire aux intérêts des peuples et des travailleurs, comme la preuve de la soif de conquête de Bismarck, seul responsable de la guerre. (Le procès-verbal de cette séance ne mentionne aucune intervention de M. dans ce débat, qui eut lieu les 26 juin et 3 juillet).

A propos des manifestations ouvrières de Londres : « [...] comparées à tout ce que nous avons vu en Anâleterre depuis 1849, elles sont formidables ; elles sont l’eeuvre exclusive de l’Internationale. 1_V1. Lucraft, par exemple, le principal personnage à Trafalgar Square, est membre de notre Conseil. On voit quelle différence il y a quand on agit dans les coulisses et on s’efface en public, et quand, à la manière des démocrates, on crâne publiquement et on ne fait rien ! » Sur la guerre : « A part une grande défaite des Prussiens qui aurait peut-être entraîné une révolution (mais ces Berlinois !) il ne pouvait rien arriver de mieux que leur victoire [...]. Le succès des Prussiens expose le régime de Bonaparte à un danger de mort [...], s’il ne réussit pas à dicter ses conditions de paix [...]. Mais que diras-tu de notre petit Fox qui, avant hier, a fait irruption dans notre maison en criant à perdre haleine : « Bonaparte a sauvé l’Allemagne ! " C’est l’opinion de Beesly, Harrison, etc. et de toute la clique comtiste. » (M, à E., 7 juiL)

Sur l’initiative de M., un débat s’engage sur le Commonwealth qui s’abstient de publier les comptes rendus des séances du C.C. (10 juil.)

Poursuite du débat sur la guerre allemande, avec la participation de M. Après amendement, la résolution préparée polonaise, les armées permanentes. Ces « Instructions » sont discutées dans plusieurs séances du sous-comité et du C.C. (du 28 juil. au 14 août.)

S’excusant de son long silence, M. fait part à Kugelmann de ses soucis financiers. Il a eu l’idée, un moment, d’émigrer aux Etats-Unis : « Mais j’estime que c’est mon devoir de rester en Europe et de terminer mon oeuvre à laquelle je travaille depuis de longues années ». C’est pourquoi il n’ira pas à Genève : « Je pense que, par mon oeuvre, je fais beaucoup plus pour la classe ouvrière que tout ce que je pourrais faire personnellement à un Congrès quelconque ». (23 août.)

M. enjoint à J. Ph. Becker que H. Jung (qui parle plusieurs langues) soit élu à la présidence du Congrès de Genève et non Odger ou Cremer, qui sont des « intrigants » et ont trahi la Reform League en faisant des concessions aux bourgeois. Au poste de secrétaire général, M. recommande Fox de préférence à Cremer qui cherche à se faire payer pour ne pas travailler. (M, à J. Pli. 13., 31 août.)

Septembre

Les thèses de M. sont discutées et adoptées à l’unanimité par le Congrès qui se tient à Genève du 3 au 8 sept. A la séance du 8 sept., la personne de M. est évoquée par Cremer, Carter et Tolain dans la discussion de l’article 11 du Règlement de l’A.I.T. (" chaque membre de l’.A.I. a le droit de participer au vote et d’être élu »). Alors que Tolain et Perrechon s’opposent à ce que des non-travailleurs puissent représenter des ouvriers,

Cremer rappelle que le C.C. comprend des « citoyens qui n’exercent pas de métiers manuels et qui n’ont donné aucun motif de suspicion, loin de là ; il est probable que, sans leur dévouement, l’Association n’aurait pu s’implanter en Angleterre d’une façon aussi complète. Parmi ces membres, je vous citerai un seul, le citoyen Marx, qui a consacré toute sa vie au triomphe de la classe ouvrière. » De même, Carter déclare que si M. a refusé la délégation offerte par le C.C., « ce n’est pas une raison pour l’empêcher, lui ou tout autre, de venir au milieu de nous ; au contraire, des hommes se dévouant entièrement à la cause du prolétariat sont trop rares pour les écarter de notre route. La bourgeoisie n’a triomphé que du jour ou, riche et puissante par le nombre, elle s’est alliée la science, et c’est la prétendue science économique bourgeoise qui, en lui donnant du prestige, maintient encore son pouvoir ; que les hommes qui se sont occupés de la question économique et qui ont reconnu la justice de notre cause et la nécessité d’une réforme sociale, viennent au congrès ouvrier battre en brèche la science économique bourgeoise. »

Réplique de Tolain : « Comme ouvrier, je remercie le citoyen Marx de n’avoir pas accepté la délégation qu’on lui offrait. En faisant cela, le citoyen M. a montré que les congrès ouvriers devaient être seulement composés d’ouvriers manuels. Si ici nous admettons des hommes appartenant à d’autres classes, on ne manquera pas de dire que le congrès ne représente pas les aspirations des classes ouvrières, qu’il n’est pas fait pour des travailleurs, et je crois qu’il est utile de montrer au monde que nous sommes assez avancés pour pouvoir agir par nous-mêmes. » « L’amendement du citoyen Tolain voulant la qualité d’ouvriers manuels pour recevoir le titre de délégué, est mis au voix et rejeté, 20 pour et 25 contre. » (FR. I, p. 56).

Les membres du Conseil central, appelé désormais Conseil général (C.G.), délégués au Congrès de Genève, présentent leur rapport. (18 sept.)
M. Lawrence et J. Carter proposent la présidence du C.G. à M, qui refuse en déclarant qu’il est « travailleur intellectuel ». Il propose Odger, qui est élu président. M. est réélu secrétaire pour l’Allemagne. (25 sept.)

M. à E. : « Hier, tous les Anglais m’ont proposé pour le poste de président du C.G., en guise de démonstration contre MM, les Français qui voudraient empêcher tous ceux qui ne sont pas « travailleurs manuels » d’être membres de l’A.I.T. ou tout au moins d’être élus délégués au Congrès. J’ai déclaré ne pouvoir accepter en aucune circonstance et j’ai à mon tour proposé Odger, qui fut alors réélu. Dupont m’a d’ailleurs fourni la clef de l’opération de Tolain et Fribourg. Ils voudraient se présenter en 1869 comme candidats ouvriers aux élections du Corps Législatif, en adoptant le « principe » que seuls des travailleurs pourraient représenter des travailleurs. II était donc d’une extrême importance pour ces MM. de voir le Congrès proclamer ce principe. Dans la séance d’hier, il y eut plusieurs scènes dramatiques. M. Cremer, par exemple, est tombé des nues lorsqu’à sa place Fox a été élu secrétaire général [...] Autre scène, quand M. Le Lubez fut informé officiellement qu’il avait été exclu du C.G. par décret du Congrès. [...] Il demanda finalement [...] un vote de confiance au C.G. ». (26 sept.)

Octobre

M. participe aux débats du C.G. sur les questions de cotisations, de la publication — réservée au seul C.G. - des documents du Congrès de Genève et de la confiscation, par le ministre français de l’Intérieur, de papiers de l’A.I.T. trouvés sur un congressiste à son retour de Genève. (9 oct. ; CHR., pp. 253-254).

M. exprime à Kugelmann sa satisfaction des résultats du Congrès de Genève : « Je ne pouvais ni ne voulais m’y rendre, mais j’ai écrit le programme des délégués de Londres. Je l’ai limité à dessein aux points qui permettent un accord immédiat et une action concertée des travailleurs de manière à donner une impulsion directe aux exigences de la lutte des classes et de l’organisation des ouvriers en classe. Messieurs les Parisiens avaient la tête pleine de phrases proudhoniennes les plus creuses. [...] Ils dédaignent toute action révolutionnaire qui naîtrait de la lutte des classes elle-même, tout mouvement social centralisé, donc réalisable également par des moyens politiques (par exemple, la diminution légale de la journée de travail), sous prétexte de liberté et d’antigouvernementalisme, d’individualisme anti-autoritaire ; ces Parisiens, qui ont supporté et supportent tranquillement depuis seize ans le despotisme le plus misérable, ne prêchent en fait que la vulgaire science bourgeoise, mais enjolivée d’idéalisme proudhonien. [...] Je me suis beaucoup réjoui du congrès des ouvriers américains à Baltimore. La devise y était : organisation pour la lutte contre le capital. Il est curieux de constater que la plupart des revendications que j’avais établies pour le Congrès de Genève ont été formulées là-bas également, grâce à l’instinct juste des ouvriers. Ici, le mouvement pour la Réforme électorale que notre C.G. a suscité [...], a pris maintenant des dimensions immenses et irrésistibles. Je suis toujours resté dans les coulisses et ne m’occupe plus de l’affaire, puisqu’elle suit son cours. » (9 oct. )

Après avoir fait part à Kugelmann de ses difficultés matérielles croissantes et de son travail pour le Capital, M, lui parle de l’A.I.T. : « Le travail courant pour l’Internationale continue normalement et il est énorme, puisqu’en fait je dois diriger toute l’Association [...] Le bureau londonien des trade-unions anglais (son secrétaire Odger est notre président) envisage de se constituer comme section britannique de l’A.I.T. S’il le fait, la direction de la classe ouvrière d’ici passe, pour ainsi dire, dans nos mains et nous pouvons faire avancer considérablement le mouvement. » (13 oct.)

Novembre

M. fait partie d’une délégation nommée par le C.G, auprès du Trades Council de Londres. Ce dernier décide le 9 janvier 7367 de soutenir l’A.I.T., sans toutefois s’y affilier. (20 nov., CHR, p. 254)

A propos de la saisie par le gouvernement français de documents de l’A.I.T. (voir 9 oct.), M, parle de la politique de Napoléon III. (27 nov., CHR, p. 254).

Décembre

M. informe le C.G, des échos publiés dans la presse française et anglaise sur le Congrès de Genève. (11 déc.)

M. à E. : « La Revue des Deux-Mondes et la Revue Contemporaine ont publié deux articles détaillés sur l’Internationale. L’A.I.T. et son Congrès y sont présentés comme l’un des événements les plus marquants du siècle, La Fortnightly Review leur a emboité le pas. Cependant nous sommes pratiquement paralysés par le manque de fonds et même d’hommes, étant donné que les Anglais sont entièrement absorbés par le mouvement pour la réforme. Le gouvernement français commence (heureusement) à nous traiter en ennemis. » (17 déc.)

Le C.G. charge le sous-comité de préparer la commémora¬tion de l’insurrection polonaise de 1863. (18 déc., CHR., p. 254).