Éléments pour une critique du populisme (1)


ÉLÉMENTS POUR UNE CRITIQUE DU POPULISME

" ... Le Pen a déclaré à la cantonade que ses idées ne rejoignaient pas seulement celles de Jirinovski, mais aussi celles du camarade Lénine, qui avait appelé tous les prolétaires à s’unir, et dont le slogan aujourd’hui serait "Patriotes de tous les pays, unissez-vous !"..."
Iouri Krioutchov, journaliste du quotidien Kouranty (Le Carillon), à propos de la rencontre entre Le Pen et Jirinovski , à Moscou, le 10 février 1996 (reproduit dans Courrier International, 29 février/ mars 1996).

Pourquoi une critique du populisme ? Pourquoi même se poser la question du populisme, ce qualificatif à la mode bien que sans définition précise puisqu’il reste ignoré des dictionnaires, du moins dans le sens où nous l’entendons aujourd’hui ! Certes on perçoit bien de quoi il s’agit lorsque la démagogie populiste prend la forme du discours politicien des Le Pen, Laguiller et compagnie. Mais elle prend des formes plus sournoises et bien malin celui qui peut prétendre qu’il n’y est jamais sensible et même qu’il n’en fait jamais usage. Qui n’a jamais essayé, sous prétexte de convaincre, de séduire son interlocuteur en prononçant les mots qu’il a envie d’entendre ? Qui n’a jamais relevé la justesse d’une prise de position ponctuelle, d’une analyse particulière, de telle ou telle fieffée crapule. On peut bien entendu se limiter à cette constatation. Nous avons tous nos faiblesses ! On peut à l’opposé se considérer au dessus de tout cela, tant la critique radicale [1] nous place au dessus de tout cela ! En fait, il faut bien constater que cette critique bien loin de constituer un rempart absolu contre le populisme peut parfois être une faille par lequel il s’insinue. Le populisme ne nourrie en permanence de la critique de la société. Qu’on ne se trompe pas sur le sens de ce que je veux dire par là. Il ne s’agit pas de reprendre à mon compte le vieux discours sur les extrêmes qui se rejoignent, discours du conservatisme social s’il en fût. Si l’on peut par exemple comparer, voire amalgamer, stalinisme et fascisme, c’est à condition de dénoncer la supercherie consistant à les présenter comme deux extrémismes opposés alors qu’il ne s’agit que de deux variantes voisines des conceptions portant sur la gestion du capitalisme.

Mais il n’en reste pas moins vrai que le populisme - en tant que fausse critique radicale de la société - s’approprie en les dénaturant de nombreux points des critiques véritables. A l’inverse, il sait se montrer souvent suffisamment séduisant pour en piéger plus d’un. De fait, pour les individus qui se posent des questions sur ce monde, il n’est pas toujours aisé de se frayer un chemin entre une idéologie populiste aux raisonnements simplistes promettant des lendemains qui chantent, et une critique radicale qui dans l’immédiat n’a guère plus à proposer qu’un surcroît de lucidité et d’exigence vis-à-vis de soi-même et des autres. Pourtant le choix de la facilité est factice et l’on serait bien en peine de dénombrer ses victimes.

A ce qui précède, s’ajoute la réflexion provoquée par le mouvement social de décembre 1995. Si ce mouvement a surpris tout le monde par son ampleur - ce qui est vrai pour tout mouvement de ce type ! - il a surtout été caractérisé par la convergence de deux phénomènes : un mécontentement profond pouvant aller jusqu’à une interrogation sur les valeurs fondatrices de la société contemporaine (soumission au marché,...) et l’absence de recette politicienne pouvant tenir lieu d’alternative. Dans un premier temps, il ne semble pas que les démagogies populistes soient parvenues à réellement tirer parti de cette situation (sinon indirectement au travers de leurs influences sur les syndicats), mais il s’agit pour elles d’un terrain fertile. C’est ce qui m’a poussé dans les temps d’incertitudes que nous traversons à rassembler des réflexions qui se veulent des jalons pour une critique du populisme. Cette critique, comme toute autre, souffre des limites propres à son auteur. Je laisse à d’autres le soin d’en débusquer les faiblesses et d’en combler les lacunes.

LE POPULISME CONTEMPORAIN

Ce que nous nommons aujourd’hui le populisme n’est certainement pas une invention récente. Il suffit de songer à certains aspects du Prince de Machiavel. Mais chaque époque, chaque société, produit les idéologies qui la servent. Le populisme de ce siècle ne pouvait puiser son inspiration, sa justification, que dans les couches sociales dépourvues de pouvoir sur la société et pour une large part de ses richesses, pour s’assurer de leur calme. Quitte à faire bondir certains, je pense que ce populisme contemporain se confond pour une part avec ce que l’on a nommé le "mouvement ouvrier" [2]. Une partie de ce mouvement n’a jamais caché qu’il ne s’agissait pour lui que d’obtenir certains aménagements sans remettre en cause le système social - ce qui sort de notre champ de réflexion. Les autres, qui se sont définirent parfois comme "révolutionnaires" se caractérisent par un double langage, généralement concrétisé par l’existence de deux programmes, un "minimum" et un "maximum". Avant la première guerre mondiale, ce double langage s’exprime dans la social-démocratie, regroupant en particulier (mais pas uniquement) l’aile marxiste du mouvement ouvrier. Il se retrouve également dans le syndicalisme révolutionnaire où se juxtaposent programme revendicatif minimum et appel à l’abolition du salariat [3]. Voir dans ce mouvement ouvrier une source du populisme n’implique pas de nier son hétérogénéité ni la présence d’éléments sincères. Les ruptures radicales (mais minoritaires) qui se produiront en son sein sont là pour en témoigner.

L’entrée en guerre de 1914 et les événements sociaux qui éclateront en Europe les années suivantes suffisent pour comprendre ce qui se dissimulait derrière le double langage socialiste. Cette période est d’ailleurs exemplaire par rapport à l’analyse que l’on peut faire du populisme, dans le sens où l’on y retrouve une sorte de schéma type. Résumons. Face à une crise grave, c’est-à-dire à l’ouverture d’une période où les moyens jusque là classiques de gestion du capitalisme ne suffiront visiblement plus, les populistes de la veille sont amenés à abandonner du jour au lendemain leur "programme maximum" pour assurer le sale boulot (embrigadement vers la guerre, répression sanglante,...). Ceci conduit nécessairement à des ruptures, que l’on peut subdiviser en deux catégories : i) des ruptures radicales et, parallèlement ii) une radicalisation du populisme amplifiant la confusion. Cette confusion se retrouvera particulièrement au niveau des individus, ballottés par les événements, dont l’adhésion aux ruptures radicales ou populistes sera influencée par des hasards divers : charisme personnel des porte-paroles de ces ruptures, circonstances locales,...

L’application de ce schéma à la période qui va de 1914 aux années 20 est aisée.

Jusqu’en 1914, le mouvement ouvrier organisé hurle à tous vents qu’il s’opposera à la guerre par tous les moyens. Face à l’imminence de la guerre, ce même mouvement se trouve en tête des bellicistes. Les députés sociaux-démocrates votent à la quasi unanimité des crédits de guerre. Ce pseudo-revirement se fait au nom d’une idéologie qui constitue une des constantes du populisme : l’Union Sacrée. Pour celle-ci, quand un danger menace la nation, les citoyens, autrement dit le peuple, serrent les rangs, oublient leurs querelles pour reconstituer l’unité nationale autour de l’État. Face à l’ennemi extérieur, tous les "nationaux", sauf une poignée de traîtres, se retrouvent coude à coude pour la défense de la patrie et pour sa grandeur. Le triomphe de cette idéologie est assuré non seulement en raison du matraquage de la propagande et de la censure, mais aussi de la répression qui réduisent les traîtres au silence. C’est ainsi qu’en 1919, le gouvernement socialiste de Noske, au pouvoir en Allemagne, écrase la révolution (assassinat des spartakistes).

En réaction à la guerre et au dévoilement des organisations marxistes ou anarchistes traditionnelles des minorités et individus se radicalisent, qu’ils soient marxistes, syndicalistes révolutionnaires, anarchistes individualistes,... Je ne rentrerais pas dans le détail de ceux-ci. Chacun reconnaîtra les siens [4] et ceci nous éloignerait du fil conducteur de ce texte. Une petite appartée tout de même pour revenir à l’exemple de la révolution allemande. Celle-ci est exemplaire pour de multiples raisons : il s’agit du seul mouvement révolutionnaire d’ampleur à surgir face à la guerre dans un pays capitaliste développé, l’Allemagne est en quelque sorte la patrie du mouvement ouvrier traditionnel en général et de la social-démocratie en particulier, les ruptures qui se font à cette occasion sont à la fois parmi les plus radicales pour l’époque et les plus massives,... Au sein de la "mouvance radicale" on retrouve à la fois des "communistes de gauche" [5], "unionistes" [6], anarcho-syndicalistes. Mais le même mouvement voit se développer un courant "National-bolchévik", partageant pour un temps, mais pour des raisons différentes, certaines positions des radicaux. Ce courant, ouvertement nationaliste et populiste, préfigurera certains aspects du nazisme [7].

LE BOLCHEVISME, STADE SUPRÊME (PROVISOIREMENT) DU POPULISME

" Nous regardions Charybde, dans notre crainte de la mort ; à ce moment Scylla dans le creux du vaisseau emporta six de mes hommes, les meilleurs par la force de leurs bras. Comme je tournais les yeux vers mon vaisseau rapide et mes compagnons, je n’aperçut plus que leurs pieds et leurs mains enlevés en l’air... Et Scylla, à la porte de son antre, les dévorait tout criants, tendant les bras vers moi dans leur effroyable détresse."
Homère, Odyssée, chant III.

Parmi les courants qui s’opposent à la guerre de 14-18, au moins lors de son engagement, figure en Russie le parti bolchevik, initialement regroupement de tendances disparates allant de variantes de la social-démocratie à des formes de "communisme de gauche" proches de celles évoquées à propos de l’Allemagne. L’aile
léniniste de celui-ci, tirant les leçons des échecs de l’ancien populisme socialiste, saura le rénover, lui donner un caractère moderne et radical. De 1918 à 1921, le parti bolchevik (sa direction léniniste) assume la liquidation du pouvoir des soviets et crée la Tchéka (police politique), les premiers camps de concentration pour les opposants, la militarisation du travail,... La Russie bolchevique se révèle de plus en plus au cours des années représenter un laboratoire du fascisme (rouge !) où se peaufinent les recettes du fascisme brun qui va bientôt gouverner d’autres États européens. Ce processus sera analysé quelques années plus tard par un des théoriciens de la gauche communiste allemande, Otto Ruhle :

"Pour éclairer le caractère fasciste du système russe, Ruhle revient une fois de plus au "Gauchisme, maladie infantile du communisme" de Lénine, car "de toutes les déclarations programmatiques du bolchevisme elle est la plus révélatrice de son caractère réel". Quand en 1933, Hitler supprime toute la littérature socialiste en Allemagne, raconte Ruhle, la publication et la diffusion de la brochure de Lénine fut autorisée. Dans ce travail, Lénine insiste sur le fait que le parti doit être une sorte d’académie de guerre de révolutionnaires professionnels. Ses principales exigences étaient les suivantes : autorité inconditionnelle du chef, centralisme rigide, discipline de fer, conformisme, combativité et sacrifice de la personnalité aux intérêts du parti... Avec Lénine s’éclaire d’une lumière vive la règle de l’ère machiniste dans la politique : c’était le "technicien", "l’inventeur" de la révolution. Toutes les caractéristiques fondamentales du fascisme étaient dans sa doctrine, sa stratégie, sa "planification sociale", et son art de traiter les hommes. Il n’a jamais appris à connaître les conditions fondamentales de la libération des ouvriers, il ne s’est jamais soucié de la fausse conscience des masses et de leur auto-aliénation humaine. Tout le problème pour lui n’était rien de plus ou de moins qu’un problème de pouvoir...

Il n’est plus nécessaire de mettre en évidence les nombreux "méfaits" du bolchevisme en Allemagne et dans le monde en général. Dans la théorie et dans la pratique le régime staliniste s’affirma lui-même une puissance capitaliste et impérialiste, s’opposant non seulement à la révolution prolétarienne, mais même aux réformes fascistes du capitalisme. Et il favorise en réalité le maintien de la démocratie bourgeoise pour utiliser plus pleinement sa propre structure fasciste. De même que l’Allemagne avait très peu d’intérêt à étendre le fascisme au delà de ses frontières et de celles de ses alliés puisqu’elle n’avait pas l’intention de renforcer ses rivaux impérialistes, de même la Russie s’intéresse à sauvegarder la démocratie partout sauf sur son propre territoire. Son amitié avec la démocratie bourgeoise est une véritable amitié ; les fascisme n’est pas un article d’exportation, car il cesse d’être un avantage dés qu’il est généralisé. En dépit du pacte Staline-Hitler, il n’y a pas de plus grands "antifascistes" que les bolcheviks, pour le bien de leur propre fascisme indigène. Ce n’est qu’aussi loin que s’étendra leur impérialisme, s’il s’étend, qu’ils se rendront coupables de soutenir consciemment la tendance fasciste générale.
Cette tendance fasciste générale n’a pas sa souche dans le bolchevisme mais le comprend en elle. Elle a sa souche dans les lois particulières de développement de l’économie capitaliste. Si la Russie devient en fin de compte un membre "décent" de la famille capitaliste des nations, les "indécences" de sa jeunesse fasciste seront à tort prises de certains côtés pour un passé révolutionnaire. L’opposition contre le stalinisme, toutefois, à moins qu’elle ne comporte l’opposition au léninisme et au bolchevisme de 1917, n’est pas une opposition, mais tout au plus une querelle entre rivaux politiques aussi longtemps que le mythe du bolchevisme est encore défendu en opposition à la réalité staliniste...

Le triomphe du fascisme allemand, qui n’était pas un phénomène isolé mais était en étroite liaison avec le développement antérieur de la totalité du monde capitaliste, ne causa pas l’engagement d’un nouveau conflit mondial des puissances impérialistes mais n’en fut qu’un simple auxiliaire. Les jours de 1914 étaient revenus. Mais pas pour l’Allemagne. Les chefs ouvriers allemands étaient privés de "l’émouvante épreuve" de se déclarer une fois de plus les enfants les plus authentiques de la patrie. Organiser la guerre signifiait instituer le totalitarisme et revenait à éliminer beaucoup d’intérêts particuliers. Dans les conditions de la République de Weimar et à l’intérieur de la charpente de l’impérialisme mondial, cela n’était possible que par la voie des luttes intérieures. La "résistance" du mouvement ouvrier allemand au fascisme, qui n’était pas de plein coeur en premier lieu, ne doit pas toutefois être prise pour une résistance à la guerre. Dans le cas de la social-démocratie et des syndicats, il n’y avait pas de résistance mais simplement une abdication accompagnée de protestations verbales pour sauver la face. Et même cela ne vint que dans le sillage du refus d’Hitler d’incorporer ces institutions dans leur forme traditionnelle et avec leurs chefs "expérimentés" dans l’ordre des choses fascistes. La "résistance" de la part du parti communiste ne fut pas non plus une résistance à la guerre et au fascisme comme tels, mais seulement dans la mesure où ils étaient dirigés contre la Russie. Si les organisations ouvrières en Allemagne furent empêchées de prendre parti pour leur bourgeoisie, dans toutes les autres nations elles le firent sans discussion et sans lutte." [8].

UN PROGRAMME POLITIQUE CRÉDIBLE POUR LA GESTION DE L’ÉTAT : LE TRAVAIL REND LIBRE

"Je sais combien la nation allemande aime son Führer. J’aime donc boire à sa santé."

J. Staline, lors de la signature du pacte germano-soviétique (cité dans : A. Rossi, Deux ans d’alliance germano-soviétique, Librairie Fayard).
Dans les années 20-30, le populisme dépasse son statut antérieur d’idéologie, pour acquérir celui de programme politique crédible pour la gestion de l’État. Au pôle de référence constitué par la Russie stalinienne, s’ajoute un second : l’Italie de Mussolini. Naturellement, une sympathie diffuse s’établit entre les deux régimes. "Ainsi la revue de FIAT "Bianco e Rosso" annonçait en 1930 que la firme équipait une usine à Moscou, "ce qui représentait la contribution de FIAT à l’industrialisation soviétique". On remarquait également la publication d’un livre curieux de Renzo Bertoni Il trionfo del fascismo nell’URSS en 1934. L’auteur, après avoir fait en 1931 sa thèse sur un sujet similaire, a séjourné un an en URSS. Dans son livre, il constate l’identité globale des deux systèmes "ennemis des principes libéraux démocratiques", mais il souligne des différences : "Le Bolchevisme, pour surmonter les contradictions du vieux monde, a détruit les forces d’opposition pour niveler par la base. Le Fascisme a contraint ces forces à collaborer pour arriver à un nivellement vers le haut". Et Bertoni, qui mettait en évidence le

terrorisme du régime bolchevique, prédisait : "Même si ce Régime dure en la personne de Staline, on peut considérer comme sûr, en particulier en ce qui concerne l’organisation de la production et la réglementation des rapports entre les classes, un abandon définitif de la doctrine marxiste et une grande présence ("attuazione") des principes fascistes" [9]. Populismes brun et rouge mettent en avant une même idée-force, répondant aux nécessités d’un capitalisme moderne : la valorisation du travail non seulement en tant que source de profit, mais également comme instrument d’intégration dans l’État, de garant de la paix sociale [10]. Pour cette valorisation du travail, le populisme des années 30 a à sa disposition non seulement son programme de promesses démagogiques, mais au travers de sa gestion de l’État le contrôle d’une série d’organisation de masses en charge de l’essentiel des questions sociales : assurances sociales, travaux publics contre le chômage, organisation des loisirs,... Cette conception générale étant encore une fois commune aux populistes bruns et rouges (ou de droite et de gauche), l’anti-fascisme n’a pu et ne peut être qu’une tentative de réforme du fascisme. Ceci est bien illustré par le comportement du Parti Communiste Italien (PCI) après le VII° congrès de l’Internationale Communiste en 1935. En revendiquant le remplacement de Mussolini, rendu personnellement responsable de la guerre d’Abyssinie, par un autre gouvernement, la propagande du PCI devient de plus en plus nationaliste. Vers le milieu de 1936, elle se prononce pour les réconciliation de tous les italiens, fascistes et non fascistes, pour la réalisation du programme fasciste de 1919, expression avancée pour l’époque du programme populiste. Dans le numéro d’août 1936 de "State Operaio" est publié un appel du PCI sous le titre :

POUR SAUVER L’ITALIE, IL FAUT RÉCONCILIER LE PEUPLE ITALIEN !

Dans cet appel on lit :
"Peuple italien ! Fascistes de la vieille garde ! Jeunes fascistes ! Nous autres communistes nous faisons nôtre le programme fasciste de 1919, qui est un programme de paix, de liberté, de défense des intérêts des travailleurs et nous vous disons : luttons tous unis pour réaliser ce programme !"
On ne parle même plus d’éloigner Mussolini, on est disposé à conclure une alliance avec "les dirigeants fascistes honnêtes". Cette tentative de Front Populaire/Populiste à l’italienne faisait semblant d’ignorer en quoi il était impossible : le fascisme était obligé pour imposer sa politique de réprimer toute tentative de pression exercée par une autre organisation... fut-elle proche de sa propre logique. Ceci d’autant plus que le fascisme avait appris du bolchevisme l’importance que pouvait tenir un leader charismatique, véritable gourou à l’échelle de l’État. D’autres, dans d’autres contextes géopolitiques joueront également ce rôle, de Adolf Hitler à Maurice Thorez... J’y reviendrais dans la suite de cet article.

Une vision générale du populisme dans cette période nécessiterait également d’en considérer deux autres expressions : le populisme espagnol durant la guerre d’Espagne (sous sa forme franquiste et dans ses variantes républicaines) ; et le populisme sioniste. Pour le premier de ceux-ci, il est difficile de l’analyser en tant que tel, sans l’englober dans les problèmes posés par le mouvement révolutionnaire en Espagne. Pour le second, l’essentiel des éléments sont déjà contenus dans un ouvrage paru cette année : "Aux origines d’Israël. Entre nationalisme et socialisme", par Zeev Sternhell, chez Fayard.