1868

Janvier - Avril

Absorbé par la diffusion du Capital (livre I), ses études pour les livres II et III, fréquemment malade et ayant des embarras d’argent constants, M, n’assiste pas aux réunions - d’ailleurs rares - du C.G. de janvier à avril.

M. informe E. d’une intrigué dirigée contre l’A.I.T. : Cremer, Odger, Beales et l’Allemand Armand Goegg viennent de constituer à Londres un comité de propagande pour la Ligue de la Paix. En France, le bureau parisien de l’A.I.T. fait l’objet de poursuites ordonnées par le gouvernement. « Ceci me convient parfaitement, car les ânes ont ainsi été empêchés de poursuivre la discussion du programme qu’ils ont déjà préparé pour le Congrès de 1868. » (71 janv.)

Dans la séance du 28 janv., en l’absence de M., le C.G. décide d’adresser une circulaire aux secrétaires des trade-unions affiliées à l’A.I.T. leur demandant de participer à une enquête sur la situation économique de la population laborieuse, le mouvement coopératif, le crédit, le machinisme, la nationalisation du sol, des mines des chemins de fer, etc., et sur les grèves.

M. envisage l’éventualité d’une installation à Genève, ou il pourrait vivre avec sa famille à moindres frais. Deux raisons l’en empêchent, l’œuvre à terminer et l’Internationale : « [...] si je m’en allais d’ici dans ce moment critique, tout le mouvement ouvrier, due .j’influence dans lés coulisses, passerait en de très mauvaises mains et pourrait être dévoyé. » (1VI, à Kugelmann, 17 mars.)
,
Le C.G. discute, en l’absence de M., du problème des coopératives de crédit. (17 mars.)

Mai

M. informe le C.G. de la reprise de ses contacts avec J.B. von Schweitzer. Celui-ci avait demandé à M. des directives pour les députés social-démocrates au Reichstag lors des débats sur la diminution des tarifs douaniers pour le fer brut. (M. à E., 4 mai). - Sur sa proposition, le C.G. décide de protester publiquement contre les poursuites dont l’A.I.T. est l’objet en France et en Belgique. (12 mai.)

Discussion au C.G. sur une action en faveur des victimes des massacres de Charleroi. (18 mai.)

S. Meyer, socialiste germano-américain, demande à M., au nom de F. A. Sorge, de lui communiquer les adresses de socialistes anglo-américains à Chicago et à New York. (Meyer à M., 20 mai. CHR., p. 268).

Par suite des mesures annoncées par le ministre de la Justice belge contre la tenue du Congrès de l’A.I.T., à Bruxelles, M, propose un débat sur le transfert éventuel du lieu du Congrès. Le C.G, charge M., Jung et Dupont de rédiger une adresse de protestation contre le gouvernement belge. (25 mai.)

Juin - Juillet

Le C.G. discute, en l’absence de M., la question du lieu du prochain Congrès. Lecture est donnée d’un projet de résolution rédigé par M., qui autorise le C.G. à convoquer le Congrès à Londres, le 5 sept. (2 juin.)

W. Eichhoff, écrivain socialiste, demande à M. de lui procurer des matériaux pour une brochure sur l’A.I.T., estimant que « c’est justement le moment de faire de la propagande, en Allemagne, pour l’Internationale. » (E, à M., 6 juin.)

M. retire son projet de résolution sur le lieu du prochain Congrès et propose de revenir à la décision initiale selon le vœu des sections belges qui refusent de faire cette concession au gouvernement (17 juin). - Relatant le déroulement de cette séance, M. signale à E. les intrigues de Vésinier. Pyat, etc. qui « répandent, bien entendu, le bruit que nous travaillons sous le diktat de Bonaparte ». (20 juin.)

M. informe le C.G. des affaires allemandes. (23 juin.)

W. Eichhoff remercie M. pour les matériaux reçus « dont le contenu a dépassé mes attentes [... ] Il va sans dire due j’utiliserai textuellement votre manuscrit ou ne le complèterai que selon vos indications. » (E. à M., 29 juin.)

Répondant évasivement à une invitation de Schweitzer d’être l’hôte de la prochaine Assemblée générale de l’A.D.A.V., M. lui demande de faire campagne pour l’affiliation de l’Association des ouvriers allemands à l’A.I.T. et de faire en sorte qu’un représentant en soit présent au Congrès de Bruxelles. (2 juil.)

Par l’intermédiaire de S. Meyer, M. donne plein pouvoir à Sorge pour agir aux Etats-Unis au nom de l’A.I.T. (4 juil., CHR., p. 269.)

Sur la proposition de M., le C.G. décide de désavouer publiquement un discours de Félix Pyat prononcé à Londres pendant un meeting organisé pour commémorer les journées de Juin et appelant à des actes terroristes contre Napoléon III. La résolution déclare que l’A.LT, décline toute responsabilité dans ce discours et conteste tout lien entre Pyat et l’Internationale (7 juil.). M. informe E. des agissements de la branche française à Londres, qui avait acclamé Pz-at et avait publié son discours dans les journaux belges. « Sur quoi nous avons reçu une lettre du comité bruxellois [...] disant que cette démonstration risque de détruire toute l’ Association sur le continent : la branche francaise n’abandonnera-t-elle donc jamais sa vieille phraséologie démagogique, etc. [...] Je considère toute l’affaire (qui a pour arrière-plan l’énorme stupidité de la branche française) comme une intrigue des vieux partis, des imbéciles républicains de 1848, particulièrement des petits grands hommes [en fr.] qui les représentent à Londres. Notre Association est leur bête noire. Après avoir vainement tenté de la combattre, ils ont trouvé le moyen de la compromettre. Pyat est bien l’homme pour faire cette besogne de bonne foi [...] Si la branche française d’ici ne met pas un terme à ses âneries, il faudra la chasser de l’Internationale. On ne saurait permettre à des congénères imbéciles [...] de mettre en danger l’A.LT. en un moment où elle commence à devenir une puissance sérieuse par suite de la situation sur le continent. » (7 juil.)

Eichhoff envoie à M, les épreuves de sa brochure sur l’A.I.T. en le priant d’y apporter les corrections et les changements qu’il jugerait utiles. « Le chapitre le plus faible est celui qui traite de l’activité politique », (E, à M., 12 juil.)

M, informe le C.G, de la suppression de la section berlinoise de l’A.LT. par le gouvernement allemand et du prochain Congrès de l’A.D.A.V. à Hambourg. A la même séance, M, propose une résolution dénonçant le gouvernement anglais pour avoir supprimé, à l’exemple de la Russie et dans un esprit de servilité à l’égard de ce pays (qui « par un oukaze a supprimé le nom de la Pologne »), l’épithète « polonais » devant le nom des réfugiés bénéficiant de pensions d’Etat. (14 juil.)

Liebknecht informe M, qu’il a conclu une alliance limitée avec Sclmveitzer et qu’au prochain congrès de Nuremberg, l’A.D.A.V. adhérerait à l’A.I.T. Il prie M. d’y assister comme délégué du C.G. - M, décline cette invitation et charge Eccarius de cette mission. (Liebknecht à M., 17 et 23 juif., CHR., p. 270.)

Eichhoff informe M. qu’à l’occasion de la parution de sa brochure, le journal berlinois Die Zukicnft (organe de l’opposition démocratique) s’apprête à faire campagne pour l’A.I.T. en mettant en avant le rôle et l’activité de M. comme le « véritable chef du parti » (18 juil.). - Eichhoff se déclare disposé à représenter l’A.I.T. au Congrès de Nuremberg. (20 juil.)

Au C.G., M. commente l’ordre du jour du Congrès de Bruxelles. (21 juif., CHR., p. 270.)

Au C.G., M. ouvre la discussion sur les effets de l’utilisation capitaliste des machines, question mise à l’ordre du jour du Congrès de Bruxelles. Dans son intervention, il montre que le machinisme tend à prolonger, et non à diminuer, la journée de travail ; à jeter les femmes et les enfants dans les usines ; à bouleverser les conditions de vie à la campagne ; à créer une surpopulation ouvrière ; mais aussi à créer les condition du travail organisé et associé. (28 juif.)
M, informe E. des perspectives du « cartel » conclu entre Liebknecht et Schweitzer, et du Congrès de Nuremberg. « En ce qui me concerne - en tant que membre du C.G. - je dois garder une position de neutralité entre les divers groupes ouvriers organisés. C’est leur affaire et non pas la mienne de choisir leur chef. En ma qualité de secrétaire pour l’Allemagne, je suis obligé de répondre à tous ceux qui s’adressent à moi et occupent des positions officielles comme présidents de groupes ouvriers, etc. » (29 juil.)

Août

M. renseigne E. sur la scission intervenue dans la branche française de Londres : « Dupont, Jung, Lafargue, Joannet, Lassassie et plusieurs autres ont quitté cette bande de gredins, qui ne compte plus maintenant que quinze hommes en tout [...] Ils nous traitent d’« endormeurs », d’« ambitieux », etc. » Et plus loin : « Maintenant due les Allemands s’affilient en masse à l’A.I.T. et que notre société assure, pour le moment tout au moins, son principal terrain [...], un plan me vient à l’idée : le C.G. pourrait être transféré à Genève pour l’année prochaine et nous ne fonctionnerons ici qu’en tant que Conseil britannique. Il me semble que ce serait une mesure sage si la proposition émanait de nous. Nous montrerions en même temps à ces imbéciles de Paris, etc., que nous ne sommes nullement jaloux de cette agréable dictature ». (4 août.)

Renseigné par Kugelmann, M. informe le C.G, de la grève des tisserands à Hanovre. Il clôt la discussion sur l’utilisation capitaliste des machines. (4 août.)
E. déconseille 1e transfert du C.G. à Genève : « Plus l’affaire prend de l’ampleur, plus il importe que ce soit toi qui en gardes la maîtrise, et puisqu’elle commence à agir en Allemagne, je ne pense pas que Becker soit l’homme pour la diriger. » (6 août.) - Réponse de 1Vi, à E. : « [...] tu as raison. 11 reste la possibilité qu’à Bruxelles on propose, malgré nous et contre nous [en fr.] le transfert, pour démontrer qu’on résiste héroïquement au principe autoritaire. Dans ce cas tout au moins, nos délégués devraient voter pour Genève comme un pis-aller. » (10 août.)

Au C.G., M, parle de l’Amérique et de l’Irlande, puis du Congrès de l’A.D.A.V. à Hambourg. (17 août.)

M, informe le président de l’A.D.A.V. que la préparation du prochain Congrès de l’A.I.T. l’empêche d’accepter l’invitation d’assister, comme hôte d’honneur, au Congrès de Hambourg. Il félicite les auteurs du programme d’avoir défini les principes fondamentaux de tout mouvement ouvrier : « agitation pour la liberté politique totale, réglementation de
la journée de travail et coopération internationale concertée de la classe ouvrière dans la grande tâche historique qu’elle doit résoudre pour toute la société. » (18 août.) - M. à E. : « [...] autrement dit, je les ai félicités d’avoir abandonné le programme de Lassalle. Reste à savoir s’ils s’apercevront de la plaisanterie. » (26 août.)

M. à E. : « Dupont a reçu de Naples le mandat pour représenter la section de là-bas. Depuis l’affaire de Mantoue [...], la réaction est générale à l’intérieur et en particulier le droit de réunion et d’association des ouvriers y a été presque entièrement supprimé. A Paris, nos vieux amis sont, par bonheur, en prison. Le comité de 1à-bas enverra un délégué à Bruxelles ; en revanche, les divers corps de métiers enverront huit à neuf délégués [...] La soi-disant branche française, sous la direction de Messieurs Pyat et Vésinier, enverra un délégué à Bruxelles pour - horribile dictu - nous mettre en état d’accusation ! A ce propos : Dis à Moore [...] de me verser sa contribution habituelle à l’A.I.T. Nous sommes faiblement représentés à Bruxelles, et chaque shilling que nous pourrons ramasser nous sert à y envoyer un membre de plus. » (29 août.)

Septembre

Le C.G. adopte à ]’unanimité le rapport rédigé par M, et destiné au Congrès de Bruxelles. En conclusion de son texte, M. déclare : « Il n’y a que l’entente internationale des classes ouvrières qui puisse garantir leur triomphe définitif. Ce besoin a donné naissance à l’Association internationale des travailleurs. Elle n’est fille ni d’une secte, ni d’une théorie. Elle est le produit spontané du mouvement prolétaire, engendré lui-même par les tendances naturelles et irrépressibles de la société moderne. Dans le sentiment profond de sa grande mission, l’Association internationale des travailleurs ne se lais. sera ni intimider ni détourner. Sa destinée est désormais inséparable du progrès historique de la classe qui porte dans ses flancs la régénération de l’humanité. » (le`’ sept.)

Au congrès de Bruxelles, intervenant dans la discussion sur les effets du machinisme, Lessner cite des extraits du Capital. (7 sept.)

M. envoie à Eccarius et à Lessner des directives pour leurs interventions au Congrès, particulièrement dans les débats sur les questions de la guerre et du crédit mutuel. (10 sept., CHR., p. 272.)
Intervenant dans la discussion sur la question du crédit, Eccarius cite l’exemple des travailleurs américains qui souhaitent qu’une banque d’Etat monopolise le crédit « au profit de tous ». A la même séance, Moses Hess cite, contre les thèses proudhoniennes du crédit gratuit, la théorie exposée par M, dans Misère de la Philosophie. (11 sept.)

M. envoie à Schweitzer l’éditorial du Times sur l’A.I.T. Celui-ci en fait état dans le Social-Demokrat. (11 sept.)

Les délégués allemands du Congrès de Bruxelles adoptent une résolution qui souligne l’importance du Capital et en recommande la traduction dans d’autres langues. (11 sept.)

M, écrit à E. au sujet du Congrès de Bruxelles qu’il considère comme une demi-faillite, « puisque les Belges y constituent l’énorme majorité, Tolain et d’autres Français, jaloux du C.G. à Londres voudraient en transférer le siège à Bruxelles. Un grand progrès : les « braves Belges proudhoniens et les Français qui déclamaient dogmatiquement à Genève (1866) et à Lausanne (1867) contre les trade-unions, etc. en sont maintenant les plus fanatiques partisans ». (12 sept.)

M. à Jung : « Le Tintes publie aujourd’hui les rapports d’Eccarius des 9 et 10 sept. A propos du débat sur le machinisme, il déforme l’intervention de Lessner qui était de beaucoup mieux rendue dans le Daily News. Lessner a cité mon livre [...], alors que Eccarius a supprimé la citation. » (14 sept.)

S. Meyer et A. Vogt font part à M. de leur mécontentement au sujet de la nomination de F.A. Sorge comme délégué de l’A.I.T. pour les Etats-Unis. M. propose à Meyer d’assumer éventuellement ce rôle. A propos d’un éditorial du Times sur l’A.I.T. : « C’est la première fois que ce journal a quitté le ton moqueur vis-à-vis de la classe ouvrière et la prend très au sérieux. » (14 sept.)
Schweitzer met le Social-Demokrat à la disposition de M. pour toute manifestation de l’A.I.T. et demande conseil pour la création de syndicats. (Schweitzer à M., 15 sept.)

M, informe E, des rapports favorables que les grands quotidiens londoniens ont consacrés au Congrès de l’A.I.T. Le Journal des Débats regrette que les Anglais, les Allemands et les Belges appartiennent, comme le montre la résolution sur la propriété foncière, à la « secte communiste » et que les Français, pour leur part, répètent sans cesse « les déclamations ridicules de Proudhon n. M. se plaint de l’attitude d’Eccarius qui n’avait pris qu’une part médiocre au Congrès et se fait passer (dans le Tinaes) pour l’esprit directeur. Son compte rendu déforme les faits ; citant la résolution allemande, il écrit que toute guerre européenne serait une guerre civile, au lieu de la formule « une guerre entre la France et l’Allemagne serait une guerre civile au profit de la Russie ». « En revanche, il attribue aux Allemands et aux Anglais la sottise belge : « grève contre la guerre n. Ses rapports ont cependant des mérites, mais il ne sera plus nommé « délégué ». Moses [Hess] a fait, paraît-il, le meilleur discours contre les proudhoniens. Tolain en était si furieux qu’il s’abstint de participer au banquet. Non seulement le C.C. a été renouvelé, mais la liste des membres, épurée par nos soins, a été adoptée. Vésinier a été sommé d’envoyer dans un délai de quatre semaines ses accusations contre Tolain à une commission de Bruxelles. Si elles se révèlent fausses (et elles le sont), le Congrès l’a déjà exclu conditionnellement de l’A.I.T., pour diffamation. [...] Liebknecht a commis une sottise [...] à Nuremberg, en imposant aux gens les élucubrations confuses de Becker comme le programme de l’A.I.T. » (16 sept.)

M. communique à E. un extrait de l’Opinion Nationale (Paris) sur le Congrès de Bruxelles. « Il y avait un journaliste russe. Il a dit qu’il enverrait au C.G. les journaux russes ayant parlé du Congrès. » (19 sept.)

M, informe le C.G. de l’adhésion donnée à l’A.I.T. par les Associations ouvrières allemandes, au Congrès de Nuremberg ; il prend la défense des Français ayant participé au Congrès de Bruxelles : par leur présence, ils ont prouvé leur courage. (22 sept.)

M. à E., à propos de la dissolution de l’A.D.A.V. : « Je pense que c’est à cause de l’A.LT. que le gouvernement prussien a frappé ce coup [...] La classe ouvrière allemande doit avant tout cesser de faire son agitation avec la permission des autorités suprêmes. Une race qui a été si bureaucratiquement dressée a besoin de suivre un cours complet pour apprendre à s’en tirer elle-même. Cependant, ils ont l’avantage de commencer le mouvement dans des conditions plus développées que les Anglais et de posséder, en tant qu’Allemands, des têtes capables de généraliser. » (26 sept.)

M. informe le C.G. de la dissolution, par une mesure policière, de l’A.D.A.V : Sur sa proposition, W.F. Cowell-Stepney est nommé trésorier et S. Meyer secrétaire-correspondant pour l’Allemagne en Amérique. M, est réélu secrétaire pour l’Allemagne. (29 sept.)

M, instruit Liebknecht de la tactique a observer dans sa campagne contre les lassalliens, mais refuse de lancer immédiatement un appel, au nom de l’A.I.T., contre Schweitzer. Il demande conseil à E. : « Il me semble que le C.G., pour garder son autorité, ne doit pas se lier les mains prématurément et sans être sûr du succès [...]. Si tu es de cet avis [...], je pourrais écrire à Wilhelm [...] que la majorité du C.G. s’est déclaré contre tout appel public, jusqu’au moment où les éléments qui se sont joints à l’A.I.T. offriront un appui solide grâce à leur organisation. » (29 sept.) E. conseille à 10%I. de rester neutre : « Le Conseil ne peut et ne doit prendre parti que s’il est lui-même, directement ou indirectement, attaqué ou si les principes de l’A.I.T. ont été violés. C’est ainsi qu’il a procédé vis-à-vis des Parisiens. » (30 sept.)

Octobre

En riposte à des attaques parues dans des journaux allemands contre l’A.I.T., M. fait passer dans le Demokratische Woehenblatt de Liebknecht une note pour rappeler que presque tous les trade-unions anglais sont représentés au C.G., de même que les sociétés coopératives, la Reform League, la National-Reform-League, et le mouvement athéiste : « ’On voit qu’il n’est pas un seul grand parti progressif du prolétariat britannique qui ne soit représenté directement, par ses propres chefs, au sein du C.G. de l’A.I.T. Enfin, le Beehive, sous la direction de G. Potter, organe officiel des trade-unions anglais, est aussi l’organe officiel du C.G. de l’A.I.T. [...] » (4 oct. ; paru le 17 oct.)

Le C.G. charge M. de rédiger une adresse à Odger pour appuyer sa candidature aux élections parlementaires. (6 oct.) : « Nous donnons suite à sa demande, puisqu’il s’agit d’un geste utile à l’Internationale et due celle-ci se recommandera ainsi à l’attention des ouvriers de Londres. » (M. à E., 10 oct.)

Répondant à Schweitzer qui lui avait demandé d’arbitrer son conflit avec Liebknecht et Bebel, M,. après avoir pris conseil d’E., analyse les erreurs et les mérites de Lassalle et du mouvement qu’il avait suscité ; il se déclare disposé à jouer, en tant que secrétaire de l’A.I.T. pour l’Allemagne, le rôle de médiateur impartial entre Schweitzer et la majorité issue du Congrès de Nuremberg. « Toutefois, je ne vous cacherai pas qu’en tant qu’écrivain privé - si je le jugeais absolument nécessaire dans l’intérêt du mouvement ouvrier - je pourrais un jour critiquer ouvertement le culte lassallien, comme je l’ai fait naguère pour le culte proudhonien. » (12 oct.)

M. informe le C.G. du développement des syndicats en Allemagne. Il est délégué à une réunion syndicale organisée pour discuter de la position légale des syndicats. (13 oct.)

M. à E. : « Hier soir, au C.G., les Anglais ont reconnu - tardivement, mais unanimement - que je leur avais prédit textuellement le résultat [...] des élections, tout en critiquant la fausse politique de la Reform League. Le Parlement actuel est le plus mauvais qu’on ait eu depuis les élections sous le commandement de Palmerston. » (18 açt.)

M. discute avec Jung de la branche française de Londres, devenue l’instrument de Pyat. (19 oct.)

Le C.G. autorise M. à désavouer publiquement la branche française. (20 oct.)
M. participe à une séance du sous-comité pour discuter des mesures à prendre contre cette branche. (24 oct.) M. informe E. de l’agitation de Pyat et de ses compatriotes. (24 oct.)

Novembre

M. à E., à propos des attaques russophobes de S. Borkheim contre Bakounine : « Pas moyen d’empêcher ce maudit Borkheim [...] de réimprimer tes deux articles [sur le manifeste slave de Bakounine, « Le panslavisme démocratique », Neue Rheinische Zeitung, 16 et 18 févr. 1849.]. Mais je lui dirai que tu es un vieil ami personnel de Bakounine, et qu’en aucun cas l’affaire ne doit prendre une tournure injurieuse pour ce dernier. » (7 nov.)

Le C.G. discute des résultats des élections anglaises (17 nov.). M. refuse de soutenir la candidature d’Ernest Jones à Greenwich : « Je lui ai répondu qu’il n’a pas l’ombre d’une chance [...] Le C.G. de l’Internationale ne se mêle pas de propagande électorale. Nous ne pourrions en aucun cas prendre parti contre le banquier Langley (candidat local) qui est à la Sunday League qui a de fait conclu avec nous un cartel d’amitié depuis le congrès de Bruxelles (nos séances ont lieu en effet dans leur local). o (23 nov.)

A.A. 5erno-Soloviévitch, révolutionnaire russe émigré à Genève, invite M. à collaborer à l’Egalité, organe des sections françaises de l’A.I.T., qui doit paraître à partir du ler janvier 1869. (20 nov.)

M. adresse une lettre à C. Speyer, président de l’Association culturelle des ouvriers allemands (Arbeiter-Bildungs-Verein) de Londres dont il condamne les sympathies a l’égard de l’organisation de Schweitzer. Rappelant sa propre position de neutralité dans le conflit Schweitzer-Liebkuecht., M. écrit : « Le Congrès de Nuremberg s’est joint directement à l’A.I.T. Le Congrès de Hambourg [...] ne s’y est joint qu’indirectement, par une déclaration de sympathie, à cause des obstacles que la législation prussienne lui aurait opposés. Malgré ces obstacles, le Club démocratique des ouvriers de Berlin, nouvellement formé et appartenant à l’organisation de Nuremberg, s’est joint publiquement et officiellement à l’A.I.T. » (23 nov.)

Au C.G., M. donne lecture d’une lettre des mineurs de Lugau qui désirent s’affilier à l’A.I.T. (24 nov.)

J. Ph. Becker informe le C.G. que l’Alliance de la Démocratie socialiste [fondée en octobre 1868 par Bakounine à Genève] demande son admission à l’A.I.T. (29 nov.)

Décembre

Le C.G. confie à M. la charge d’archiviste. (ler déc.) Schweitzer annonce à M. que la « guerre ouverte » s’est déclarée entre lui et Liebknecht. Seule l’intervention personnelle de NI. pourrait rétablir la paix entre les parties ennemies. « [...] j’ai donné l’ordre le plus strict que l’Internationale ne soit pas mêlée à ce conflit, qu’au contraire la paix et la concorde soient respectées à cet égard, tant que les organes officiels de l’Internationale ne font pas opposition n. (2 déc.)

M. à E. : « Wilhelm [Liebknecht] s’abêtit [...] La lettre de Lugau prouve que jusqu’ici il n’a rien fait pour l’Internationale. Et il nous joue de jolis tours. Il annonce sans gêne que l’A.I.T. ne coûte rien, et que, par conséquent, chacun peut s’y affilier sans cotiser. » (5 déc.)

M, s’enquiert, dans une lettre à Serno-Soloviévitch, des sentiments de Bakounine à son égard. Il critique l’intervention de B. au Congrès de la Ligue (le la Paix à Berne : B. avait proposé le vote d’une motion en faveur de l’égalisation économique des classes et des individus. (Début de déc.)

Dans une lettre à Kugelmann. M, présente la branche française de l’A.LT. à Londres comme une bande de phraseurs et leur chef Pyat comme un « piètre mélodramaturge français de quatrième rang ». A la suite de sa condamnation par le C.G., la branche française avait quitté l’A.I.T. et s’était établie à son compte, sous l’égide de Pyat. « [...] Nous eûmes la satisfaction d’apprendre que Blanqui, par un de ses amis, a ridiculisé atrocement [...] Pyat, ne lui laissant qu’une alternative : monomaniaque ou agent de la police ! » (5 déc.)

M. à Kugelmann : <c [...] Au demeurant, les dames n’ont aucune raison de se plaindre de l’Internationale, puisque celle-ci a élu Madame Law, comme membre du C.G, [...] Celui qui connaît un peu l’histoire sait que sans le ferment féminin il n’y a pas de grands bouleversements sociaux. Le progrès social se mesure exactement à la position sociale du beau sexe (les laides y comprises). » (12 déc.)

Sur la proposition de M., le C.G. rejette la demande d’affiliation de l’Alliance de la Démocratie socialiste à l’A.I.T., après avoir pris connaissance des statuts et des règlements de cette société. M, demande conseil à E. « M. Bakounine - qui est à l’arrière-plan de cette affaire - daigne amener le mouvement ouvrier sous la tutelle russe. [...] Cette organisation comblera, comme l’écrit le vieux Becker, le manque d’« idéalisme » de notre société, - l’idéalisme russe ! [en fr.]. Ce soir, grande indignation à notre C.G. surtout parmi les Français, à cause de ce document. Je connaissais l’affaire depuis longtemps, je la considérais comme morte-née et, par égard pour Becker, j’ai voulu la laisser mourir tranquillement, mais elle est devenue plus sérieuse que je ne le pensais. [...] Je regrette tout cela à cause de notre vieux Becker. Mais notre Association ne saurait, à cause de lui, commettre un suicide ». (15 déc.) Dans sa réponse, E. juge sévèrement le comportement de Becker : « Il est clair que l’Internationale ne peut céder à cette duperie. Il y aurait deux Conseils généraux et même deux Congrès ; c’est l’Etat dans l’Etat. [...] Il ne peut y avoir deux corps internationaux (par définition) dans l’Internationale, pas plus que deux Conseils généraux. Du reste, qui vous donne le droit de reconnaître un soi-disant bureau central sans mandataires [...] Le Conseil central de l’Internationale a passé au moins par trois élections successives et tout le monde sait qu’il représente des myriades d’ouvriers ; mais ces « initiateurs » ? [...] S’ils sont sans mandat comme représentants de la Démocratie socialiste, ils le sont encore mille fois plus comme représentants de la science [en fr.] Je n’ai rien lu de plus lamentable que leur programme théorique. La Sibérie, le ventre et la jeune Polonaise ont changé Bakounine en un parfait idiot. » (18 déc.)

Le C.G. adopte à l’unanimité la résolution sur l’Alliance, rédigée par M. Il y est dit que la présence d’une deuxième organisation internationale au sein de l’A.I.T. conduirait à la désorganisation de celle-ci et en ferait « le jouet des intrigants de toutes les races et nationalités », etc. (22 déc.)

Alerté par Serno-Soloviévitch, Bakounine écrit à M. (22 déc.) pour l’assurer de son amitié et de son admiration : « Je fais maintenant ce que tu as commencé à faire, toi, il y a plus de vingt ans. Depuis les adieux solennels et publics que j’ai adressés aux bourgeois du Congrès de Berne, je ne connais plus d’autre société, d’autre milieu que le monde des travailleurs. Ma patrie, c’est maintenant l’Internationale, dont tu es l’un des principaux fondateurs. Tu vois donc, cher ami, que je suis ton disciple, et je suis fier de l’être. » [en fr.] B. parle de sa rupture avec Herzen [en 1863] et joint à sa lettre le programme de l’Alliance, « que nous avons fondée avec Becker et beaucoup d’amis italiens, polonais et français. » Au reçu de cette lettre, M, demande à Jung de communiquer la décision de l’A.I.T. sur l’Alliance à César De Paepe que Bakounine voudrait gagner à son entreprise : « Il faut naturellement lui dire [...] qu’à cause de la situation actuelle en Suisse, et pour éviter toute apparence de scission, nous désirons que cette résolution ne soit pas publiée, et nous nous bornons à la communiquer confidentiellement aux Conseils centraux respectifs des différents pays. » (28 déc.)